World Energy Outlook 2006 de l'AIE
J'ai récemment eu l'occasion d'assister à une conférence passionante où étaient présentés les principales conclusions du World Energy Outlook 2006 de l'AIE (
http://www.iea.org/ ).
😎
Cet étude, qui a été demandée par le G8, étudie 3 scénarios de développement énergétique au niveau mondial d'ici 2030 :
- un scénario de référence où l'on garde les mêmes politiques qu'actuellement
- un scénario alternatif où l'ensemble des gouvernements font preuve de politiques volontaristes pour diminuer consommation d'énergie et émissions de CO2.
- un scénario nommé BAPS allant encore au délà du scénario alternatif et visant à stabiliser en 2030 les émissions à leur niveau actuel.
Le scénario de référence conduirait en 2030 à une augmentation de 55% des émissions de CO2 par rapport à 2004.
Le scénario alternatif jugé réaliste par l'AIE conduit à une diminution des émissions de CO2 de 16% en 2030 par rapport au scénario de référence.
Pourquoi 16% seulement me direz-vous ?
😱
Le conférencier expliquait que c'est lié à l'inévitable inertie de nos systèmes industriels et de vie
😢 . Il nous a donné 2 exemples :
- une centrale au charbon à faible rendement qui se construit en Chine aujourd'hui aura une durée de vie de 50 ans,
- une voiture achetée aujourd'hui a au niveau mondial une durée de vie moyenne de 23 ans ! (par exemple, nos voitures achetées en Europe occidentale ont une 2ème, voire une 3ème vie dans d'autres parties d'Europe ou du Monde)
Cependant en 2030, l'énorme différence entre les deux scénarios est que la courbe d'émission de CO2 du scénario de référence continue à augmenter en flèche, alors qu'elle est asymptotique dans le scénario alternatif.
Le principal enseignement que j'ai tiré de cette conférence se trouve dans l'analyse des causes du delta de 16% de CO2 entre scénario de référence et scénario alternatif :
- Seulement un tiers du gain viendrait d'une production d'électricité moins émissive en CO2 (développement des énergies renouvelables, recours accru au nucléaire, amélioration du rendement des centrales thermiques)
- les deux tiers du gain proviendraient de l'amélioration de l'efficacité énergétique des matériels consommateurs, dont 30% pour les matériels électriques, et 36 % pour les consommateurs d'énergie fossile dont notamment les véhicules ! Le conférencier a mentionné que le scénario alternatif tient compte d'un déploiement volontariste des véhicules hybrides.
Une preuve de plus que les hybrides et notre Prius sont une solution au coeur du problème des émissions de CO2, et pas du tout marginale comme certains le font croire.
L'enseignement des chiffres ci-dessus est que ce sont les consommateurs d'énergie (industries, particuliers) et non les producteurs qui ont les leviers d'actions les plus élevés pour réduire les émissions de CO2.
Celà veut dire qu'une politique fiscale aussi bien incitative pour les produits peu émetteurs que dissuasive pour ceux non vertueux doit être au coeur de la politique des états (ce qui nécessitera beaucoup de courage politique).
Mais celà ne suffira pas sans une prise de conscience parallèle de chacun et la volonté de faire un effort dans ses achats et dans ses comportements. Notamment en choisissant les produits moins consommateurs de CO2, même si incitations fiscales comprises, il faut quand même payer un peu plus cher (exemple : ampoules basse consommations), ou même si le service rendu est un peu moins bon sur certains points qu'un produit concurrent (exemple : le coffre moins pratique de notre Prius que certaines de ses concurrentes).
Le scénario BAPS a été très peu développé par le conférencier car nécessitant selon lui des ruptures technologiques jamais vues dans un délai aussi court (par exemple la capture du CO2, dont la faisabilité reste incertaine et le déploiement prendra du temps).
A noter pour rester critique que les prévisions de l'AIE sont connues pour être conservatives mais réalistes (c'est l'exemple du scénario alternatif), ce qui me semble un point fort.
Leur gros points faible est l'absence de prise en compte du point de production maximal du pétrole (ressources infinies). L'AIE a donc estimé un prix du pétrole à peu près stable jusqu'à 2030, ce qui fait que le scénario de référence ne pourra de toute façon pas arriver, vu les consommations jounalières de pétrole auquel il arrive en 2030, quasiment impossibles au regard des réserves estimées.
Cependant, le conférencier nous a cité une variante étudiée dans lequel le pétrole grimpe à un prix plus élevé (via une hypothèse de politique de l'OPEP maintenant la pénurie). Dans ce cas, sans politique environnementale volontariste, on pourrait arriver à un résultat radicalement inverse de celui espéré : les pays en voie de développement se tourneraient massivement vers le charbon, abondant et pas cher dans pas mal d'entre eux, y compris pour la production de carburant (via le CTL : Coal to Liquid). Et là, ça serait bien sûr la catastrophe. C'est un démenti cinglant pour ceux qui pensent que le marché, via l'augmentation des prix du pétrole du fait de sa raréfaction, nous orientera automatiquement vers des énergies propres !
J'ai trouvé ci-dessous un résumé plus complet des conclusions de l'AIE pour ceux que ça intéresse :
http://www.worldenergyoutlook.org/summaries2006/French.pdf