Bon, au risque de me faire appeler Arthur par Arthur je vais divaguer un peu après avoir versé quelques goutes de ce sublime breuvage au débat.
Alors oui, l’E85 est un sublime breuvage mais il impose quelques précautions d’usage. Donc les transformateurs qui proposent un boitier sans aucune autre modification ne sont que des charlatans. On en a débattu ici depuis longtemps sur ce sujet. L’adjonction de ce boitier ne sert à rien (sauf si son rôle principal est d’inhiber le code erreur P1020 ou qqc comme ça qui veut dire combustion trop pauvre) car la cartographie moteur sait s’adapter et commander l’injection d’une plus grosse quantité de carburant (l’éthanol étant moins calorifique il en faut plus). Là où ça peut coincer c’est lorsque les injecteurs ne peuvent pas livrer la quantité commandée. Il faudrait qu’ils puissent en débiter plus. Donc il faut des injecteurs différents. C’est surement le cas sur les Prius Brésiliennes. Est-ce que pour autant cela change fondamentalement les caractéristiques de ce moteur. Y a surement encore quelques autres différences dont je vais parler plus loin. Bref, ça ne sert à rien d’embrouiller le client. C’est la bonne Prius que tout le monde connait la petite spécificité n’étant que son adaptation au carburant local. Pour quoi ne pas la proposer en France alors ? Mais qui dit la France dit aussi l’Europe. Or y a qu’en France et peut-être en 2 ou 3 autres endroits ou l’E85 a pris le pied (en Suède par exemple , où son intérêt est purement idéologique et surtout pas économique, le prix de revient à l’usage étant le même que pour du SP95). Toyota s’est donc retrouvé avec un dilemme : doit on proposer une Prius Flexi Fuel en Eu alors que seule la France en tirerait l’avantage, ou bien seulement en France où on retrouve des Prius venues d’autres pays de l’UE… Comment séparer le bon grain de l’ivrai ? Bref, dans les 2 cas y a un surcoût. Soit en matières soit en gestion du bazar. Et mon petit doigt me dit que les pouvoirs publics ont dit aux constructeurs : bon, voilà, on met en place un petit carburant très très écolo car les engagements verts envers l’UE et tout ça, mais … n’en faites pas trop, hein ! Sinon ce serait trop beau.
Au Brésil Toyota a du y aller un peu contraint et forcé (réalités du marché) alors qu’ils continuent à croire que ce carburant n’est pas bon pour leur technologie des moteurs. Je connais un ingénieur motoriste qui a travaillé pour beaucoup de constructeurs et qui a aussi eu à faire avec ce breuvage. Il considère que c’est une potion infame qui demande beaucoup d’efforts technologiques pour que les moteurs la supportent. Il utilisait comme presse papier une bielle coulée lors des essais avec ….
Donc, y a pas que le débit des injecteurs qui compte. Y a certainement le traitement des parois des chambres de combustion qui doit être adapté (les formidables traitements au Nicasyl que les allemands utilisaient dans les années 90 sur leur moteurs top tech se sont avérés très sensibles à la qualité du carburant), le système d’alimentation (l’éthanol étant bien plus corrosif et étant donné qu’il absorbe bien l’eau il peut s’y former une encore plus grosse saloperie corrosive, j’ai nommé l’acide formique), le traitement des injecteurs (l’éthanol comme le GPL ont un pouvoir lubrifiant moindre) et peut-être aussi des sièges de soupapes (cf. supra) ainsi que leur parfaite étanchéité (système de rattrapage de jeux). A cela vient aussi s’ajouter le problème de la température de combustion (plus élevée dans le cas du GPL, pour l’éthanol aussi je crois, c’est pour quoi les moteurs à injection directe n’acceptent pas du tout ces carburants ou alors il faut procéder à un ajout du SP95 pour refroidir les têtes d’injecteurs). A cela peut aussi s’ajouter la conséquence des ratés. L’E85 en dessous d’une certaine température se volatilise moins bien que le SP95 (c’est pour quoi les vrai flexi fuel ont un système de réchauffage de carburant pour parier à ce problème). Si l’allumage ne se fait pas l’E85 non brulé va se retrouver mélangé à de l’huile moteur en la diluant. Et là je crois qu’il est bien plus méchant que le SP95. C’est pour quoi au tout début de la vague E85 lorsque plusieurs constructeurs s’y sont lancés la majeure partie divisait par 2 la périodicité de vidange … Tiens tiens, comme par hasard.
Donc en résumé comme effets indésirables (faisant sortir le fonctionnement du moteur de la plage pour laquelle il a été conçu) on a :
Rien qu’avec le débit insuffisant des injecteurs provoquant la combustion trop pauvre qui produit bien plus de chaleur cela peut abimer pas mal d’éléments internes : perçage des pistons, détérioration des sièges de soupapes, de têtes d’injecteurs, du joint de culasse, détérioration de l’huile et par conséquence de la lubrification.
Réactions chimiques avec les éléments en contact : traitement des parois des cambres de combustion, pistons, injecteurs, du système d’alimentation.
Il peut donc en résulter à plus long terme des casses moteur. Soit les joints de culasse ou pire des serrages.
Ceci dit, il semblerait que Toyota ne soit pas tout clean non plus. Il semblerait qu’il y ait eu quelques problèmes avec la qualité des joints de culasse sur les 1.8l HSD4 (je ne me rappelle plus la période) ainsi que métallurgie des culasses sur les 1.8l HSD3 jusqu’en 2011. Après tout nul n’est parfait. Il suffit de se rappeler des problèmes qu’ils ont eu à ce niveau sur les diesel 2.2.
L’usage de l’E85 peut donc être révélateur de ces faiblesses. Parfois ça passe parfois ça casse. Surtout si on y va pas avec le dos de la cuillère en y balançant du full E85.
Je me souviens encore de la discussion que j’ai eu avec le patron de Toy France y a 6 ans à ce sujet. Je pense que ce qui les embête plus ce n’est pas tant les moteurs cassés que de toutes les façons ils refuseront de prendre en charge, mais le taux de casse qui rentre quelque part dans les statistiques et diminue significativement la perception de solidité de leurs mécaniques. Quand on balance ce genre de données personne ne va chercher la vraie raison. Il en découlera que ce n’est pas fiable, point, alors que c’est le cheval de bataille de la marque.