Rappel d'un
trés intéressant article d'Auto News
Pollution diesel : l’Europe se trompe !
Le diesel est une solution bénéfique pour les émissions de CO2… mais pas pour la santé. Du coup, les normes obligent les constructeurs à dépolluer les moteurs. Seul problème, on se trompe de polluant et la situation est partie pour s’aggraver. ARTICLE MIS A JOUR LE 15 MARS 2013
Quiproquo : nom masculin, prendre une chose pour une autre. Dans ce cas, la pollution automobile en est un énorme. Pour la majorité des gens, la voiture la plus propre est celle qui émet le moins de CO2, ou celle qui consomme le moins puisque ces deux caractéristiques sont directement liées. Une idée fausse qui s’impose depuis la fin des années 1990, lorsque l’opinion publique a commencé à s’inquiéter de la pollution automobile. Pourtant, le CO2 n’est pas un polluant. C’est un gaz qui participe à l’effet de serre et donc au réchauffement climatique, mais qui n’est pas toxique pour l’homme. De plus, en France, la voiture particulière ne pèse que pour 12 % des émissions de CO2. Mais de toute évidence pour un plus grand pourcentage de la pollution qui nuit à la santé humaine. Celle-ci vient des émissions de CO (monoxyde de carbone), de HC (hydrocarbures imbrûlés), de NOx (oxydes d’azote) et de particules. Quatre polluants qui ont un impact sanitaire plus ou moins important.
Les particules sont-elles vraiment dangereuses ?
C’est LA grande question. La diésélisation de plus en plus forte du parc automobile français, mais aussi européen, commence à préoccuper les autorités sanitaires. Il faut dire que le diesel avait été, en 1989, classé comme “
probablement cancérigène pour l’homme” par l’
Agence internationale de recherche sur le cancer (IARC). Mais c’était à une époque où les scientifiques basaient leurs recherches sur de grosses particules émises… par des moteurs diesels de locomotives. Des particules aujourd’hui rares, mais sur lesquelles continuent de s’appuyer certaines études, faute de pouvoir travailler avec des laboratoires équipés de moteurs diesels modernes. Il n’empêche, les particules sont dénoncées comme la principale plaie du diesel. Selon Francelyne Marano (professeure à l’université Paris VII), “
quand il y a une augmentation de 10 microgrammes/ m3 des particules PM2,5 (particules de moins de 2,5 micromètres de diamètre) en ville, il y a une augmentation de la mortalité cardio-respiratoire de l’ordre de 3 à 4 %. On a aussi des augmentations des crises d’asthme et des rhinites allergiques. Et pour les effets à long terme, une étude américaine a fait ressortir un lien entre les cancers du poumon et les particules fines dans l’air”.
Pour Agnès Lefranc, de l’Institut National de veille sanitaire (INVS), “
l’inhalation des particules déclencherait au niveau de la paroi pulmonaire une réaction inflammatoire qui peut provoquer des manifestations respiratoires et, à long terme, augmenter le risque de cancer du poumon pour une exposition chronique. Et elle pourrait déclencher une inflammation systémique. C’est ce que l’on retrouve alors dans le sang. On l’appelle le stress oxydant”. Pas étonnant, donc, que chaque nouvelle norme vise la baisse des émissions de ces particules diesels.
Mais il y a, là encore, un quiproquo. Quand les chercheurs parlent de PM10, PM2,5 ou même PM0,1 (en fonction de leur diamètre), ils entendent toutes les particules en suspension dans l’air. Les particules carbonées des moteurs diesels (fumées noires), mais aussi la poussière soulevée par le vent, le sable venu du Sahara ou les résidus de l’usure des pneus ou de l’érosion des routes.
Les chercheurs appellent cela la “
soupe environnementale”. “
L’OMS ne différencie pas les particules, il n’est question que de particules en suspension dans l’air, sans savoir d’où elles viennent ni ce qu’elles contiennent”, confirme Ghislaine Lacroix, de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques ( Ineris). Jean-Paul Morin, directeur de recherche à l’Inserm Rouen, enfonce le clou : “
Les particules liées au trafic n’entrent que pour 20 % dans la masse totale des particules fines en suspension dans l’air. On ne peut pas associer les pics de pollution de particules aux pointes du trafic automobile.” Or avec les dernières technologies diesels, de rampes communes d’injection haute pression, le volume et la masse des particules émises par les diesels approchent zéro, cela devrait encore en réduire l’impact sur la “
soupe environnementale”.
Les diesels sont-ils enfin propres ?
Malheureusement, non. Si les trois polluants de la combustion (HC, CO et particules) sont quasiment inexistants à l’échappement d’un moteur diesel dernier cri, il reste les NOx, “naturellement” produits par les diesels. Ils résultent de l’oxydation de l’azote de l’air par les hautes températures. Les diesels fonctionnant en excès d’air, ils en produisent bien plus que les moteurs essence. Dans ces NOx, il y a une grande majorité d’oxyde d’azote (NO), peu nocifs, et à peine 10 % de dioxyde d’azote (NO2), plus toxiques. L’ennui, c’est qu’au lieu d’être naturellement – et lentement – oxydé en NO2 dans l’atmosphère, l’ensemble va l’être brutalement dans le pot d’oxydation, un équipement imposé en 1997 par les normes européennes. Or, selon Agnès Lefranc, de l’INVS, “
les études montrent les mêmes liens entre les NO2 et les risques de surmortalité dus aux maladies respiratoires et cardio-vasculaires… qu’avec les particules”. Pire, selon Jean-Paul Morin “r
éduire les particules n’est pas mauvais, mais pas si cela augmente d’autres polluants responsables de troubles sanitaires. L’obsession des normes européennes concernant les particules mène à faire des bêtises sanitaires. Quand on n’aura plus de particules dans l’atmosphère et qu’on continuera à avoir de la bronchiolite ou des problèmes cardiaques, on verra que cela venait bien du NO2. Le problème avec le diesel, c’est qu’on ne sait pas retirer les particules sans créer des NOx”.
Un problème de législation ?
Bref, à vouloir éradiquer les dernières particules restantes, on crée un autre polluant. Pour passer les prochaines normes de pollution, les diesels, tous dotés des derniers raffinements technologiques, vont devoir être obligatoirement équipés d’un filtre à particules. Or pour régénérer ces filtres, il faut pouvoir augmenter la température d’échappement à plus de 500 °C. Ce qui impose d’avoir des pots d’oxydation toujours plus performants… qui vont mécaniquement produire plus de NO2. Faut-il encore réduire les particules ? Pour Jean-Paul Morin, “
avant l’arrivée des rampes communes haute pression, les émissions de particules des diesels étaient très importantes. Mais ce n’est plus le cas : on est en train de s’exciter sur des pouillièmes”.
Mais ce n’est pas le pire. Toutes ces valeurs de pollution sont relevées lors de tests d’homologation, baptisés NMVEG. Selon les chercheurs, il faudrait plutôt se baser sur un cycle de tests plus fidèle à l’utilisation quotidienne, nommé Artemis. Si les consommations ne sont pas très différentes d’un cycle à l’autre, les émissions polluantes le sont énormément. De fait, les constructeurs dépolluent… pour le test normalisé. Selon Jean-Paul Morin, “
dès que l’on sort du cycle, même de 50 tr/min, les émissions polluantes grimpent en flèche”. Pour réduire les NOx lors des tests de pollution, les motoristes emploient les vannes EGR qui réinjectent des gaz d’échappement dans le moteur. Mais dans la circulation normale, ces vannes pilotées par électronique sont le plus souvent fermées pour privilégier le rendement. Car comme le dit Jean-Jacques Basset, de Renault, “
dans un moteur diesel, on combine de l’air et du gazole. Si au lieu de rentrer de l’air on met des gaz d’échappement inertes (CO2)… on ne peut pas brûler des quantités de gazole importantes. Imaginez mettre 50 % d’EGR à pleine charge, on va baisser la puissance de 50 %”.
Quel avenir pour le diesel ?
Il est temps de se poser les bonnes questions. Est-il encore nécessaire de diviser par deux les émissions de particules, de HC ou de CO, déjà très faibles, si cela augmente significativement les émissions de NOx, donc de NO2 ? L’impact sanitaire des NO2 apparaît aussi important que celui des particules. Pourtant, pour réduire encore les particules, les prochaines normes vont tolérer des niveaux de NOx en hausse. Et nous ne parlons que des émissions lors de l’homologation, car en dehors de ces tests, les diesels à haut rendement sont de véritables usines à NO2. Il est temps de s’en inquiéter et c’est ce qui a été fait à Londres, où l’on a retiré les catalyseurs d’oxydation des bus à la suite de problèmes sanitaires liés à des pics de pollution au NO2. Depuis, ça va mieux. Il est grand temps d’en parler à la RATP…