des calculs à la hache de JMJ
Pour en revenir aux références de Hybridébridé, et en particulier à celle-là :
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- mais surtout l'impact environnemental de ces énergies, encore très peu connu à ces échelles. Je cite JM JANCOVICI qui donne sur son site des exemples, dont le premier, tout à fait frappant : "Une
simulation du MIT indique que si l’éolien fournissait 25 % de notre approvisionnement énergétique actuel, cela engendrerait un réchauffement climatique supplémentaire d’une fraction de degré sur les terres émergées, à cause du ralentissement des courants de convection (qui refroidissent la surface) occasionné par la capture de l’énergie des vents."
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je dirais que quand JMJ parle d'énergies renouvelables, c'est un peu comme quand Sarko parle de république irréprochable : je ne le crois pas sur parole. Je me suis même servi parfois de ses interviews comme "jeu des 7 erreurs" avec mes étudiants.
Cela dit, l'article du MIT est intéressant... autant par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit. Commençons par le commencement :
Une simulation du MIT indique que si l’éolien fournissait 25 % de notre approvisionnement énergétique actuel, ....
D'où viennent ces 25% ? D'un savant calcul de JMJ, car le chiffre ne figure pas dans l'article, qui parle de "
10% des besoins de 2100", besoins estimés à 44 TW. On parle donc là de 4,4 TW, et il se trouve que la consommation d'énergie mondiale actuelle est de 16 TW d'après tous les experts comme ceux de l'
Agence Internationale de l'Énergie. 4,4 sur 16, ça fait 27,5%, on ne va pas chipoter, on est d'accord. Enfin presque.
Disons qu'à première vue, ce chiffre colle presque pile poil avec la consommation actuelle de charbon, qui représente (ou représentait en 2009, car les statisticiens de l'AIE ont besoin d'un temps de réflexion)
27,2% de l'énergie primaire consommée dans le monde.
Et c'est là que ça commence à se gâter. On a bien parlé d'énergie
primaire, non ? Kesksédonc ? Il y aurait de l'énergie secondaire ou tertiaire ?
😱
L'
énergie primaire est celle que nous donne directement la nature, avant transformation. Dans le cas du charbon, c'est donc la chaleur de combustion de ce qui sort des mines... or que fait-on avec le charbon ? Pas uniquement produire de la chaleur pour se chauffer, loin de là : c'est même
le principal mode de production d'électricité dans le monde avec 40% de l'électricité produite.
Mais pour passer de la chaleur à l'électricité, la thermodynamique impose sa loi implacable et jamais, quoi qu'on fasse, on ne pourra dépasser le
rendement de Carnot qui est une limite absolue. En pratique, ça se traduit par 30 à 40% de la chaleur transformée en électricité, suivant la vétusté et le raffinement technologique de la centrale à charbon. Le record mondial est à 49% à la
centrale danoise de Avedøre, qui en plus permet le chauffage urbain par cogénération.
Comparer directement l'énergie (électrique) produite par des éoliennes avec l'énergie primaire actuellement consommée dans le monde est donc, soit une vaste escroquerie, soit une vaste ânerie, car
l'humanité tire actuellement 81% de son énergie primaire de ressources fossiles (donc sous de forme chaleur), sans oublier 10% à partir de déchets et combustibles renouvelables (chaleur également) et 6% issus du nucléaire (chaleur aussi), ce qui nous mène à
97% de l'énergie primaire sous forme thermique.
On peut donc déjà dire que
la comparaison chiffrée "brute de décoffrage" de JMJ n'a aucun sens physique, à moins de considérer qu'on utiliserait l'électricité éolienne exclusivement pour du chauffage électrique, ce qui serait effectivement pas très malin.
C'est un peu comme si on disait que planétaire, avec ses 4,5 kWh, arrivait à faire une quarantaine de km avec un demi-litre d'essence. Même avec les dons qu'on lui connaît, 4,5 kWh d'essence ne lui permettraient jamais d'aller aussi loin (en Normandie, où les très longues descentes n'existent pas encore).
Maintenant quelques mots sur le côté "scientifique" de l'article du MIT lui-même. D'où vient cette augmentation de température modélisée ? Un collègue brillant théoricien m'a toujours dit "ne fais jamais un calcul si tu ne sais pas à l'avance ce qu'il va donner" ; on peut traduire ce conseil ici par "ne crois jamais une simulation si tu n'as pas une idée de la physique de base qui conditionne le résultat".
La physique de base, ici, est assez simple : la présence d'éoliennes modifie l'écoulement de l'air (on s'en serait douté...
), comme n'importe quel truc qui dépasse du sol : arbre, bâtiment, monument... Il n'y a donc rien de mystérieux là-dedans : l'effet sera le même pour n'importe quel objet perturbant l'écoulement de l'air de la même manière, et ce ne sont pas les obstacles qui manquent à la surface de la Terre.
Ce qui est rigolo par contre, c'est les hypothèses retenues par l'étude. Ce paragraphe vaut son pesant de cacahuètes :
The windmill farm effect is simulated specifically by modifying the model surface roughness and/or displacement height coefficients over the global grass and shrub regions in the land model of the CCM3 system. The selected roughness and displacement height in the four windmill runs are: Run VL, 0.12m (double the original value) and 0.34m (unchanged); Run L, 0.16m (arbitrary) and 0.34m; Run H, 0.75m (arbitrary, close to the value of 0.77m of the needle leaf deciduous tree in the model) and 0.34m; and Run VH, 2.62m and 23.45m (based on the evergreen forest in the model).
En résumé, les auteurs modélisent l'influence des éoliennes en jouant sur deux paramètres : la rugosité du sol (roughness) et la "hauteur de déplacement" (displacement height), terme que je traduis peut-être mal en français mais qui est avec la rugosité un
paramètre empirique permettant de faire coller les équations à la réalité du terrain, très classique pour quiconque s'intéresse au régime des vents dans un milieu parsemé d'obstacles, urbain par exemple.
Vous noterez comme moi le nombre de fois ou le terme "arbitrary" est utilisé... ainsi que la grande variabilité des valeurs employées pour les différentes simulations.
Personnellement, ce genre d'étude, même avec l'étiquette MIT, ne m'impressionne guère ; ça me fait plutôt sourire.
Et de toute façon, soyons clair : penser remplacer l'usage actuel du charbon par des éoliennes, c'est exclu. C'est avec ce genre de raisonnement à la louche qu'on passe totalement à côté de la logique des énergies renouvelables, qui
passe d'abord par l'efficacité et la sobriété énergétiques.