Pour ma part je suis ravi d'avoir lu cette "remise en perspective" anti E85, parfaitement justifiée et aux arguments imparables.
Bonjour,
Je trouve également très intéressant cet article que je ne qualifierais pas pour ma part de discours prodiesel perfidement susurré par un infâme lobby pétrolio/automobilistique.
Il reprend l’argumentaire de la Confédération Paysanne et a plutôt le look moustaches/chemise à carreaux de José BOVE que celui costard/cravate de T. DEMAREST, JM. FOLZ ou C. GHOSN.
L’UFC n’est-elle pas plus ou moins à sa place lorsqu’elle tient ce discours de consommateur/contribuable qui souhaite que la filière lui coûte le moins cher possible, sans autre considération ? Elle secoue le cocotier du consensus flou autour du pétrole vert où tout le monde était d’accord sans trop savoir de quoi on causait. Dans l’article de « Que Choisir », l’E85 est attaqué car il représente l’étendard de la croisade des biocarburants pour tous. Sur son site, l’UFC est plus modéré et égratigne plutôt la filière éthanol / céréales:
http://www.quechoisir.org/Position....FFD4CD268ADE6CDC125725F0033E6DC&catcss=AUT301
Mais sans doute l’UFC entre-elle de trop du côté obscur de la force. Quelques bémols à y apporter donc:
Absence de consensus scientifique sur la pertinence des biocarburants. Le comble c’est que ce n’est pas vraiment une démarche scientifique, mais une démarche comptable de « bête » comptabilité analytique. On connaît parfaitement les quantités d’énergie consacrées à la production agricole de blé, maïs, betterave, colza, canne à sucre ou que sais-je encore, que ce soit directement dans la mécanisation ou indirectement via les intrants. On sait tout autant de combien d’énergie auront besoin les filières pour transporter et transformer cette biomasse en biocarburants mais on n’est pas d’accord sur les clés de répartition de ces consommations entre le produit « noble » biocarburant et ses co-produits issus de la même filière (drêches, tourteaux, glycérol) Comme ces co-produits représentent en masse plus que le produit principal, c’est gênant. Autre remarque: certains afficionados de la filière canne, parce qu’elle utilise les bagasses à fin énergétique ce qui revient à dire que c’est une filière plante entière avant l’heure, ne prennent pas la peine d’intégrer la valeur énergétique des pailles utilisées comme biocombustible (si on est capable de faire brûler les bagasses en chaufferie, on est tout aussi capable de faire brûler des pailles)
Biodiesel/Bioethanol. Il n’y a pas que la filière huile dans la vie. D’accord elle est plus utile dans le contexte qui est ne notre de forte demande de gazole, mais :
- un rééquilibrage de notre parc de véhicules entre motorisations diesel et essence ne ferait pas de mal, en particulier aux poumons citadins et aussi au nom d’une certaine logique au niveau de l’adéquation entre la production de produits raffinés et leur consommation sur notre marché.
- il faut nécessairement varier ses cultures sur son lopin de terre et on ne peut consacrer massivement ses terrains à n’y faire pousser que des oléagineux. Actuellement on arrive déjà à des niveaux très importants, un ha de colza sur deux est consacré aux cultures energétiques, c’est beaucoup et ça devra encore augmenter au risque de devenir beaucoup de trop.
Ethanol canne plus intéressant que éthanol céréales. Sans doute, mais on peut s’intéresser aux conditions de production de l’éthanol canne. D’autre part il n’y aura de toute manière pas assez d’éthanol canne pour tout le monde. Nous serons dépendants de cet éthanol comme nous le sommes du pétrole et ses cours subiront de toute manière les mêmes fluctuations que les produits pétroliers auxquels il se substitue. On peut aussi étendre ce raisonnement à la filière huile. Pourquoi vouloir estérifier de l’huile de colza ou de tournesol alors que l’on peut trouver des huiles végétales moins cher ailleurs. Il ne faut pas non plus oublier que la filière diester a besoin d’alcool comme matière première dans l’élaboration du biodiesel. L’éthanol doit être considérée comme une « plateforme matière première » entrant dans l’élaboration d’une variété importante de produits finis bien plus que comme un simple biocarburant. En ce sens il est utile de disposer d’une filière éthanol en Europe.
Seconde génération de biocarburant utilisant la plante entière ouvre de belles perspectives. Je pense que tout le monde est d’accord sur ce point. Simplement pour que la seconde génération existe ne faut-il pas déjà développer la première ?
La partie fiscalité est à prendre avec des pincettes. Dans l’état actuel des choses, les montages fiscaux font que l’on fonctionne par filière.
Les objectifs sont clairs depuis la loi POPE de 2005 (rien à voir avec la religion) revus à la hausse en 2006 par l’équipe Villepin parce que on est pas des gonzesses, hein, on va faire plus mieux que le reste de l’Europe (on ne sait pas trop comment, mais on s’en fout).
Ce sont des objectifs en valeur énergétique, comme les biocarburants sont moins riches que leurs homologues fossiles, et qu’ils ne sont pas non plus identiques entre eux, les incorporations en volumes s’avèrent sensiblement supérieures:
5,75 % en 2008, soit 8,74 % en volume éthanol ou 6,27 % en diester
7 % en 2010, soit 10,64 % en volume éthanol ou 7,63 % en diester
10 % en 2015, soit 15,20 % en volume éthanol ou 10,90 % en diester
Ce sont aussi des objectifs par filières, ce n’est pas parce qu’une filière (au hasard le diesel) marche bien et dépasse les objectifs que l’autre en sera dispensée. L’Etat ne peut donc dire d’un côté que 10% de l’énergie consommée dans les carburants proviendra de biocarburants pour chaque famille de carburant ET mettre des bâtons dans les roues d’une filière en l’handicapant d’une fiscalité plus lourde sous prétexte que la filière en question s’avèrerait moins efficace. Il faut donc une équirépartition de la défiscalisation, ou si l’on veut faire autrement, il faut changer les règles du jeu.
Le reste de l’argumentation concernant la défiscalisation n’est pas inexact mais ne nous leurrons pas, les services de Bercy ont sûrement eux aussi intégré la nécessité de lever le pied sur la défiscalisation, reste à savoir quand et à quel rythme.
En attendant oui les filières de biocarburants chez nous en France (mais pas seulement) sont balbutiantes et se développent à l’abri des importations massives de produits concurrents tout en bénéficiant d’un panel de mesures fiscales permettant leur incorporation.
Une remarque en passant : à aucun moment l’UFC n’a parlé de l’intérêt du biocarburant pour le cultivateur (le producteur étant à ses yeux le fabriquant de biocarburant et non le fournisseur de matière première) Pour qu’une filière tourne il faut à la fois un fournisseur, un transformateur et des utilisateurs.
Oublier ainsi le fournisseur est un peu fort de café ! Le chiffre de 90 €/To est avancé pour le blé éthanol, c’est un niveau bas, cette année le blé a pu être payé 145 € départ exploitation. Pensez vous que dans ces conditions la profession se bousculera pour livrer la filière les yeux fermés ? Le céréalier préfèrera sans doute alimenter d’autres filières que l’éthanol carburant et aura raison. Par contre le producteur de betteraves qui voit la filière sucre se restreindre comme une peau de chagrin ne dispose plus de beaucoup d’alternatives pour poursuivre son activité, et les sucreries non plus. Ce n’est pas pour rien qu’un sucrier, Tereos est très actif dans la filière bioéthanol.
Dans tout cela il y a malgré tout des choses à ne pas perdre de vue : les biocarburants sont des carburants liquides produits en cycle annuel. Ils sont re_nou_ve_lables. La filière débute mais offre des potentialités de développement, surtout par le biais des filières plante entière utilisant lignine et cellulose. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain avant même d’avoir commencé, ne cherchons pas non plus à vouloir imposer mordicus des filières offrant peu d’intérêt (quoi j'ai dit l'E85, ah bon
) Toutefois ils resteront limités en quantités et ne se substitueront jamais totalement aux carburants pétroliers.
Elle offre un avantage également pour l’agriculture : déconnecter ses productions de la seule logique alimentaire et trouver de plus larges débouchés. C’est même son principal intérêt, bien au delà des considérations environnementales, à tel point que l’on pourrait à la limite qualifier d’alibi la mise en place de ces filières biocarburants.
L’Père Denis